L'Univers
de Yamato
Leiji Matsumoto et son rapport à Yamato

En 1974, la série animée "Yamato, le cuirassé de l'espace" est devenue un centre d'intérêt télévisuel au Japon. Son producteur Yoshinobu Nishizaki et son réalisateur Leiji Matsumoto se sont récemment disputés la paternité de l'oeuvre devant la justice, qui s'est prononcée pour une reconnaissance équitable. Penchons nous maintenant sur certains aspects de sa genèse, plus particulièrement pour la part de créativité de Leiji Matsumoto.

A la base, Yamato est une histoire de science fiction relatant un voyage de 148 000 années lumière (et son retour), vers la grande constellation de Magellan, à Iscandar dans le but de ramener un appareil permettant d'éradiquer la radioactivité (le Cosmo Cleaner D) afin de décontaminer la Terre.

Un amour de jeunesse pour l'espace

La première série Yamato a été diffusée à partir d'octobre 1974, mais Leiji Matsumoto, alors âgé de 36 ans, avait déjà esquissé une aventure spatiale en 1956 ! "L'aventure d'un autre monde" est l'histoire d'un voyage sur Mars dans le but de rendre son atmosphère respirable (Terraforming) et d'en faire une seconde planète d'accueil pour l'homme. Le vaisseau, de technologie japonaise, n'a pas été testé au préalable mais le voyage ne peut plus attendre... Il sera finalement publié en 1958 sous le titre "première opération spatiale" (Uchuu Sakusen Daiichi Gou).
Uchuu Sakusen Daiichi Gou


Des références scientifiques

Le livre de chevet de Leiji Matsumoto est alors Voyage dans le macrocosme, écrit par Toshima Araki, président fondateur de l'Université Sangyo de Kyoto. Ce livre découvert en bibliothèque lui plaisait beaucoup, et sa grande soeur lui avait fait la promesse de le lui offrir le jour où un de ses mangas serait publié dans un journal, ce qui arriva rapidement. Cet ouvrage l'influencera aussi pour l'écriture de Galaxy Express 999.

Leiji Matsumoto - Voyage dans le macrocosme

C'est ainsi que Leiji Matsumoto se plaît à rêver à l'histoire de la déesse de la lumière invitant un jeune garçon à parcourir la métagalaxie pour lui enseigner les concepts de l'espace... Il réalisera d'ailleurs un court métrage sur ce thème en 2001 : Mirai - Snow Angel (Mizu to Inochi no Wakusei), entièrement en 3D et qui reprend le concept du Terraforming.

Pour déterminer la distance entre Iscandar et la Terre, il demandera personnellement l'avis d'astronomes pour obtenir un chiffre vraisemblable, car les estimations de l'époque variaient beaucoup. C'est ainsi que la distance de 148 000 années lumière fut retenue.

Un devoir de mémoire

La thématique de Yamato a posé un problème de conscience à Leiji. Les restes de ce bâtiment renferment les corps de 3000 personnes, au fond de la mer. Quelle image en donner sur les petits écrans des familles et des orphelins de ces hommes ?

C'est avec ces éléments en tête et pour éviter tout malentendu vis à vis de l'Histoire que le projet initial a été fortement modifié afin de faire en sorte que le Yamato serve la Terre et surtout y revienne indemne. Ce point fondamental pour Matsumoto sera un sujet de désaccord perpétuel avec le co-créateur de la saga, Yoshinobu Nishizaki. Nishizaki remportera une première victoire dans le deuxième film Saraba Uchû Senkan Yamato Ai No Senshitachi, à la fin duquel le Yamato se sacrifie pour détruire le cuirassé géant de Zordar. Matsumoto réussira pourtant à obtenir que ce final soit modifié dans la série reprenant la trame de ce film. Nishizaki aura le dernier mot en immolant le Yamato en clôture du film Uchû Senkan Yamato Kanketsu Hen, se brouillant ainsi définitivement avec Leiji Matsumoto.

Par ailleurs, son père comme ses lointains ancêtres samouraïs lui ont fait prendre conscience qu'une guerre n'est pas un jeu sans conséquences, d'où son grand respect de la vie. Le père de Leiji Matsumoto était en effet pilote de Zero pendant la Seconde Guerre mondiale. Il fait partie des rares pilotes de l'armée impériale nippone a être revenu en vie, et a pu notamment enseigner à son fils que "la fuite n'est pas honteuse si elle sert à sauver la vie".
Extrait de l'interview de Leiji Matsumoto publiée dans le n°3 de HK, juillet 1997.


Photo # NH 62582 Explosion of Japanese battleship Yamato, 7 April 1945


Un sens aigu de la symbolique des noms propres

"Iscandar", la planète destination du Yamato vient de celui la ville égyptienne "Al-Iskandariyah" (Alexandrie) du nom d'Alexandre le Grand, fondateur de la ville en 332 avant JC lors de sa légendaire expédition vers l'Est. Ce nom est synonyme d'utopie, tout comme l'Arcadie.

A travers la voix de Starsha, qui du haut de son palais d'Iscandar guide les terriens à travers l'immensité cosmique, on peut également voir un parallèle avec le phare de l'île de Pharos, merveille de l'antiquité dont le feu guidait les navires jusqu'au port de la mythique Alexandrie. Pour réaliser le design du palais de Starsha, Leiji Matsumoto s'est probablement inspiré d'anciennes représentations du phare, très éloignées de ce que fut réellement cet édifice, telle celle ci-dessous :

le phare de l'île de Pharos (le phare d'Alexandrie) le Yamato arrive au palais d'Iscandar

Carmilla (J. Sheridan Le Fanu) Les adversaires de la série sont les "Gamilas" de la constellation de Magellan. Le nom initial était "Carmilla", la femme vampire du roman éponyme écrit en 1872 par l'auteur victorien J. Sheridan Le Fanu [1814-1873] (A noter que Dracula de Bram Stoker date de 1897). Comme l'ennemi était masculin, le nom a été finalement adapté en conséquence.

Le leader des Gamilas se nomme "Dessler". Il est lourd de sens car il est composé des racines "Death" (la mort) et "Ra" (le soleil). Il symbolise le pouvoir de la destruction.

Pour l'anecdote, le choix de certains noms fera sourire Leiji qui lors d'une visite en Russie entendra un bien singulier "Je m'appelle Sasha" de la bouche d'un grand gaillard, alors que dans Yamato ce nom appartient à la femme qui décèdera sur Mars en apportant le message d'espoir de la Reine d'Iscandar aux Terriens.


Une approche scientifique

Nous pouvons constater que Leiji Matsumoto a une approche scientifique de l'écriture scénaristique. Il a le souci de l'exactitude des faits et phénomènes spatiaux, ainsi qu'un questionnement sur les possibilités techniques. De même, il a un sens prononcé des symboles. Leiji Matsumoto et le robot Wakamaru

Cela vient certainement de son environnement familial. Fils de pilote, il est le seul membre de sa famille à avoir choisi la filière artistique alors que tous les autres se sont orientés vers les sciences et l'ingénierie. Et il n'a pas fait ce choix par préférence mais tout simplement pour permettre à son jeune frère de pouvoir suivre la voie scientifique, du fait des faibles ressources familiales. Leiji Matsumoto et un jeune astronaute
Cela a créé un lien particulier entre son frère et lui, car le premier travaille à concrétiser les rêves d'enfant du second. Aujourd'hui il est ingénieur chez Mitsubishi et enseigne à l'université de Waseda, mais il n'a pas oublié le geste de Leiji et quand ce dernier lui montre des designs techniques, il les lui valide.

Leiji Matsumoto est lui même curieux de sensations fortes, et si le vol spatial reste un de ses rêves les plus intenses, il a déjà volé à bord du concorde, de vieux coucous, et il est aussi monté à bord d'un sous-marin. Sôichi Noguchi en cosplay Susumu Kodai Aujourd'hui il est président d'un regroupement international de jeunes astronautes.
Leiji Matsumoto aime l'espace, et l'espace le lui rend bien. On peut notamment citer un astéroïde baptisé "Reiji 6565" en hommage au mangaka, puis plus récemment en 2010 un incroyable cosplay Yamato réalisé en orbite à bord de la station spatiale internationale ISS par l'astronaute japonais Sôichi Noguchi.

Leiji Matsumoto à bord du Himiko Leji Matsumoto a par ailleurs réalisé en 2004 sa première création concrète : un design pour un bateau ressemblant à une navette spatiale, le Himiko (reine japonaise de la province de Yamato jusqu'en 248), sur une commande de la Tokyo Kisen... et une fois de plus les plans ont été validés par son jeune frère. Ce navire au look futuriste fait la navette entre Asakusa (quartier traditionnel de Tokyo) et Odaiba (grande île artificielle de la baie de Tokyo), établissant ainsi en quelque sorte un lien entre tradition et modernité, deux visages emblématiques du Japon.

Leji Matsumoto a réussi à "animer ses rêves" en contribuant à ceux des spectateurs et des lecteurs de ses oeuvres. Ces dernières sont toujours d'actualité comme souligné par les résultats du TOP 100 des animés organisé fin 2005 par TV ashai (http://www.animenewsnetwork.com/article.php?id=7455) : Yamato y figure en 22ème position !

Watcha (http://www.tokinowa.net) & charlock

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[1] commentaire(s) sur cette page
le 22/07/08 par Arrakis
Merci Watcha, ces détail sur le maitre Matsumoto sont un vrai mini trésor.
Page modifiée le 14/04/2013 13:51
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