L'Univers
de Yamato
Réflexions autour de Yamato (page 1 sur 6): le magnétisme de Yamato

Comment expliquer la fascination qu'exerce Yamato sur des milliers de fans à travers le monde depuis plus de 30 ans ? pourquoi cette saga est-elle beaucoup plus qu'une oeuvre de science-fiction parmi tant d'autres ? quel est le secret du mythe Yamato ? à ces vastes interrogations, je vais modestement tenter d'apporter un début de réponse. Difficile de trouver par où commencer cette ambitieuse rubrique... pourquoi pas par le début ?

l'épave à moitié ensevelie du Yamato Le 1er épisode de la série Uchû Senkan Yamato se termine sur une scène absolument fascinante, celle où Kodai et Shima découvrent l'épave à moitié ensevelie du Yamato. La beauté des images y est quasi-hypnotique. Dans cette séquence entièrement statique, où les personnages sont immobiles face au géant d'acier, la composition des plans ainsi que la force de la musique nous font immédiatement comprendre qu'il se passe quelque chose d'important. Sans que l'on sache ce qu'est le Yamato, on ressent son aura, on comprend de manière intuitive que ce colosse endormi va jouer un rôle crucial, comme quelque chose qui sommeille en silence depuis toujours et dont le réveil imminent sera annonciateur d'une ère nouvelle. L'astre solaire qui décline derrière le Yamato participe largement à donner ce sentiment. Tel le nombre 999 cher à Matsumoto, le coucher de soleil symbolise la fin d'un cycle et annonce donc l'avènement d'un nouveau.
Contrairement aux autres oeuvres de Matsumoto, il me semble difficile de trouver une portée philosophique à Yamato. La saga compense cette lacune en mettant l'accent sur la dimension épique et romantique de l'histoire. Yamato s'inscrit ainsi dans la grande tradition des récits héroïques qui fascinent l'imagination humaine depuis des millénaires, tels les périples d'Ulysse ou de Jason qui mettent également en scène un équipage valeureux se lançant dans un fantastique voyage vers l'inconnu au cours duquel il sera confronté à de nombreuses épreuves.

les entrailles volcaniques de la planète Gamilas La littérature fantastique de la fin du 19ème siècle, notamment celle de Jules Verne ou de H.G. Wells, reprendra largement cette thématique en s'attaquant à de nouvelles frontières: celles des profondeurs de la mer ou de la terre, du temps et de l'espace. S'appuyant sur toutes ces sources d'inspiration indémodables, le navire spatial Yamato va explorer chacun de ces univers. Coulé au fond des océans en 1945, il se lancera dans une odyssée de 148 000 années lumière grâce à des sauts espace-temps qui le mèneront jusqu'au plus profond des entrailles volcaniques de la planète Gamilas. Alors que le cinéma de science-fiction du 20ème siècle nous avait souvent confiné dans les limites du système solaire, avec des voyages sur la Lune ou bien des envahisseurs venant de Mars, Yamato nous invite à un voyage sur des distances qui resteront probablement éternellement un défi à l'imagination humaine.
Bien que ça ne soit probablement pas volontaire, il est intéressant de remarquer que les deux premiers adversaires dont le Yamato vient à bout sont un vaisseau aux formes rappelant les traditionnelles soucoupes volantes martiennes (fin de l'épisode 2), ainsi qu'un obus ressemblant à celui qui emmène les savants dans le Voyage dans la lune de Georges Méliès (fin de l'épisode 3). En pulvérisant ces icônes de la SF du début du 20ème siècle, c'est comme si le Yamato en reconnaissait la filiation tout en s'élevant à un niveau supérieur.

Il ne faut pas perdre de vue que Yamato était à l'origine destiné à un public japonais. En ressuscitant le cuirassé géant qui fut la fierté de la marine impériale lors de la seconde guerre mondiale, Nishizaki joue d'une manière très contestable sur la corde patriotique afin de captiver son audience. Ce terrible conflit est encore bien présent de manière plus ou moins consciente dans la culture japonaise contemporaine, notamment à travers l'image traumatique de la bombe. l'image traumatique de la bombe
Cette image est omniprésente dans Yamato, que ce soit par l'intermédiaire des météorites radioactives qui dévastent la surface de la Terre, ou bien par exemple avec le missile de l'épisode 3 dont l'explosion à proximité du Yamato engendre un effroyable champignon atomique. Au cours de cette scène, les huiles du quartier général des Forces de Défense Terrestre scrutent horrifiées l'image vénéneuse qui s'affiche sur leurs écrans de contrôle, jusqu'à ce que la proue du Yamato vienne percer sereinement le nuage radioactif. Le cuirassé est indemne. Le Yamato est plus fort que la bombe !
Bien qu'il ne soit pas de même ampleur, un autre traumatisme était beaucoup plus frais dans la conscience collective japonaise lors de la diffusion de la série en 1974: celui du premier choc pétrolier. Ce cataclysme mondial a été particulièrement durement ressenti au Japon, pays dont l'économie repartait avec une croissance ahurissante depuis la fin de la guerre, et qui a alors subi un sérieux coup de frein. J'ai beau avoir parcouru de long en large la saga Yamato, je n'ai jamais vu le cuirassé spatial s'arrêter à une station service. Avec quel carburant fonctionne le Moteur à Ondulation ? Aucun apparemment. Le Yamato, emblème douteuse d'une certaine fierté nationale, est donc plus fort que la bombe, et insensible aux crises énergétiques ! Voici de quoi galvaniser tout un peuple qui sera captivé pendant près de 10 ans par les aventures du mythique cuirassé spatial.

Bien qu'étant avant tout destiné au public japonais, Yamato a réussi à ménager les susceptibilités occidentales, américaines en particulier. Il paraît à priori difficile d'amener des distributeurs américains à s'intéresser à une oeuvre qui met en scène le symbole d'une armée qui a infligé à la leur une des plus humiliante défaite de son histoire lors de la "bataille" de Pearl Harbor. Et pourtant, Star Blazers a connu un succès phénoménal de part le monde, en particulier aux Etats-Unis.
on voit un pilote américain faire un salut militaire devant le Yamato en train de sombrer Comment Nishizaki a t-il réussi à faire passer la pilule ? Tout simplement en évitant soigneusement de diaboliser les américains. Dans la scène de l'épisode 2 qui relate les dernières heures du cuirassé bombardé par les avions américains, un plan d'à peine trois secondes a probablement eu une importance déterminante. Il s'agit de celui ou l'on voit un pilote américain faire un salut militaire devant le Yamato en train de sombrer. Même si toute cette séquence a été censurée dans l'adaptation US (cf. Uchû Senkan Yamato vs Star Blazers), j'ai du mal à croire que les distributeurs américains se seraient penchés sur une oeuvre dont ils auraient pu penser qu'elle critiquait l'armée de l'oncle Sam.

En mettant au premier plan le drame humain plutôt que le choc de deux nations, Nishizaki a certainement sauvé la carrière outre-pacifique de son cuirassé spatial. Le jeune public américain n'a pas du avoir de difficulté à s'approprier ce space opera car l'intrigue de la première série est somme toute assez basique et manichéenne. Les terriens sont les gentils, les gamilons sont les méchants envahisseurs. Ce concept bipolaire est tout à fait satisfaisant pour un peuple habitué depuis le début des années 50 à projeter ses peurs issues de la guerre froide dans une vision paranoïaque de la science-fiction.

Quitte à tomber dans les banalités d'usage, il faut bien reconnaître que le succès de Yamato est sans aucun doute surtout dû à l'immense talent de son équipe technique. Leiji Matsumoto, dont il s'agit des débuts dans l'animation, fait ici des merveilles, que ce soit dans le design des vaisseaux et des personnages ou bien dans la mise en scène. La partition d'Hiroshi Miyagawa est quant à elle absolument sublime, toujours en parfait accord avec l'action. Les scénaristes ont quant à eux réussi à captiver une audience très large grâce à des personnages profondément humains, une forte intensité dramatique, de la poésie, ainsi que de très belles romances. Alors que les dessins animés de science-fiction sont à l'époque traditionnellement réservés aux jeunes garçons, Yamato s'ouvre donc également à un public féminin, mais aussi à un public plus âgé tant la saga a su mûrir en même temps que ses fans.

Et puis pourquoi chercher midi à quatorze heures ? Yamato fascine parce que c'est une oeuvre géniale, voilà tout... Cependant, la saga soulève certaines questions délicates, rapidement évoquées ci-dessus, et auxquelles nous tentons de répondre en page suivante.

charlock

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[1] commentaire(s) sur cette page
le 20/01/08 par Fulansujin
On note bien ce ressentiment refoulé, notamment dans Goldorak, dans le lequel il apparait clairement que les envahisseurs de Vega fonr reference aux USA, une puissance apparemment invicible venue du ciel ( Bombe A, bombardiers, etc... )
Page modifiée le 26/08/2012 09:04
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