L'Univers
de Yamato
Réflexions autour de Yamato (page 6 sur 6): Shin Senkan Yamato, Denkô Ozuma, et quelques autres signes ''annonciateurs'' du cuirassé de l'espace

Shin Senkan Yamato

Nous avions écrit en août 2005 sur la présence du cuirassé Yamato en 1968 – soit six ans avant son avènement au sein de l'anime et du manga – dans le 16ème épisode de la série d'animation Cyborg 009 / サイボーグ009 : Taiheiyô no Bôrei / 太平洋の亡霊 (Les Fantômes du Pacifique). Dans son scénario au ton résolument dramatique, comme une grande partie de la série, le navire de la Marine impériale japonaise ayant coulé en avril 1945 remontait à la surface tel un fantôme du passé, cela avec – comme souligné dans son intitulé – tous ceux qui l'avaient accompagné dans la mort : «  Yamato 009 ou le Yamato dans l'univers de Cyborg 009 ». Mais quelques années encore auparavant, le Yamato remis en état était déjà au coeur d'une oeuvre de science-fiction, et ce de manière aussi emblématique que ces futurs réutilisations. Celle-ci intitulée Shin Senkan Yamato / 新戦艦大和 (Le Nouveau cuirassé Yamato, 1961-63) était la création du scénariste Kajiwara Ikki / 梶原一騎 (1936-1987), auteur entre autres des célèbres Ashita no Joe, Kyôjin no Hoshi, et Tiger Mask. Dans ce récit de science-fiction, on découvrait le fameux cuirassé dans une aventure où celui-ci pouvait voler au dessus des eaux, des ailes lui permettant notamment de se maintenir dans les airs. Il pouvait également s'immerger comme un sous-marin.

Shin Senkan Yamato Shin Senkan Yamato Shin Senkan Yamato

Une première version de cette histoire fut réalisée en 1961 sous la forme d'un emonogatari proche du roman photo édité dans la revue Hinomaru / 日の丸 (Le Drapeau du soleil levant, 1958-1963), le récit ayant pour illustrations des dessins de Yoshida Ikuya / 吉田郁也 (1935-). Cet artiste fera de même sous un format identique en divers magazines d'alors, avec de nombreuses autres histoires telles Kieta hikôki / きえた飛行機 de Fukumoto Kazuya / 福本和也 (1928-1997), et Yûkai ma o tsukamaero / 誘拐魔をつかまえろ de Watanabe Kenji / 渡辺剣次 (1919-1976), celle-ci étant parue en 1960 dans Shônen Gahô, ou encore avec les aventures du jeune héros Tokkyû tantei / 特急探偵 (Detective express). En cette même année, Tezuka Osamu était présent dans Hinomaru avec Nanbâ 7, de même qu'un certain Matsumoto Akira avec Laramie Bokujô (Le Ranch Laramie) adaptant la série télévisée étasunienne de western Laramie diffusée alors sur le petit écran au Japon.

Shin Senkan Yamato Shin Senkan Yamato Shin Senkan Yamato Shin Senkan Yamato

Deux ans plus tard, c'est sous la forme du manga que l'aventure fit sa réapparition avec des illustrations signées par Dan Tetsuya / 団鉄也 (てつや). Il fut publié dans le magazine Shônen Gahô / 少年画報 (1948-1971) des éditons Shônen Gahosha, de juillet 1963 à mars 1964. Cette publication proposant des récits d'aventures, de super héros ou de guerre, accueillit plusieurs oeuvres de Tezuka Osamu tout le long des années 50, ainsi qu'à partir de 1954 le célèbre samouraï Akado Suzunosuke de Fukui Eiichi et Takeuchi Tsunayoshi : manga qui fut l'un des grands succès du magazine et qui se verra porter en cette décennie en diverses adaptations à la radio, sur le petit écran, ainsi que le grand. En 1963, pendant la publication de Shin Senkan Yamato, les jeunes lecteurs découvrirent également dans Shônen Gahô, les premières planches de Nakazawa Keiji avec le récit d'espionnage Supâku / スパーク1 (Une étincelle), mais aussi le manga sur un jeune pilote de zéro de Tsuji Naoki 0-sen Tarô, celui-ci devenant l'année suivante la série d'animation 0-sen Hayato, ainsi que parmi bien d'autres, une aventure sur le base-ball avec Kyôjin 100 ban de Hanaoka Shirô. On notera également quelques mois plus tôt que, dès le début de l'année 1963, débuta dans le magazine Shônen Sunday, le manga de Ozawa Satoru Submarine 707, le sous-marin étant ici en de nombreux points le pendant du Yamato de Kajiwara.

Parmi les personnages principaux en ce nouveau navire imaginé par Kajiwara, on note une présence qui fait quelque peu écho à la saga Yamato puisqu'un certain Okita participe à l'aventure. Avec ses deux fils à ses côtés, il combat le docteur Kira, un savant fou. En 1974, Matsumoto Leiji a pour sa part, selon ses dires, nommé le personnage Okita Jûzô, le capitaine du Yamato inspiré par son père, en référence à l'écrivain Unnô Jûzô / 海野十三 (1897-1949). Ce dernier fut l'un des premiers grands romanciers japonais de science-fiction dans le sens ''moderne'' du terme, même si l'on attribue la naissance de la SF japonaise à Oshikawa Shunrô dont le genre était plus proche, dirons-nous, de celui de Jules Verne dont il s'inspira. Quant au nom Okita, il a été emprunté par Matsumoto à Okita Sôji, le capitaine de la première division des Shinsengumi. Toutefois, sans prendre en compte quelque emprunt à Kajiwara, le nom Okita reste le même et est à nouveau lié au cuirassé dans une dimension extraordinaire, ce que Matsumoto explique encore par l'influence qu'il a subi à la lecture des récits fantastiques de Unnô Jûzô, romans qui sont restés ancrés en lui et qui correspondaient à un tel projet que celui lancé par Nishizaki. Kajiwara fera entendre quelque réprobation sur la reprise du concept du cuirassé volant lors de la première diffusion de la série Uchû Senkan Yamato en 1974, sans faire toutefois plus de vagues que cela.


Denkô Ozuma et le Gotengo, le 707, et autre n°6

Le Yamato dans toute sa splendeur par Komatsuzaki Dans le courant de la publication du manga Shin Senkan Yamato, en décembre 1963 eut lieu la sortie cinématographique du film Kaitei Gunkan / Atragon dont le fameux sous-marin Gotengo pouvait également s'élever dans les airs. Ce film de Honda Ishirô s'inspirait à la fois du roman éponyme de Oshikawa Shunrô écrit en 1900 sous inspiration vernienne, et d'une nouvelle forme que lui donna Komatsuzaki Shigeru en 1954-55 sous le titre Kaitei okoku / 海底王国 (Le Royaume sous-marin). L'illustre Komatsuzaki Shigeru (1915-2001) avait par ailleurs signé préalablement de nombreuses illustrations pour le roman de Oshikawa lors d'une nouvelle publication de celui-ci en 1952-53 pour le magazine Omoshiro. En ce qui concerne également le Yamato, Komatsuzaki a magnifiquement illustré la boite du tout premier modèle réduit consacré au cuirassé de l'espace, à savoir celui rouge et bleu sorti en décembre 1974 par Bandai dans la collection Media Series n°113. A propos de cet artiste, nous vous invitons à lire cet article sur ses travaux au travers de ceux qu'il produisit pour Vingt Mille Lieues sous les mers de Jules Verne : Kaitei niman mairu

Kaitei Gunkan - Dan Tetsuya Kaitei Gunkan - Dan Tetsuya

On note ainsi, pour le Gotengo et le Yamato, la même aptitude au vol pour deux navires impressionnant ayant l'eau pour élément de mobilité. Il est pour l'heure difficile de dire pourquoi Kajiwara Ikki a eu l'idée d'utiliser de la sorte le cuirassé qui fut l'emblème de la Marine impériale japonaise lors de la Seconde Guerre mondiale. Peut-être avait-il lu le récit de Oshikawa Shunrô et la version de Komatsuzaki. Peut-être s'était-il tout simplement intéressé en ces années-là au cuirassé, celui-ci ayant été mis en lumière sur grand écran, dès la fin de l'occupation américaine en 1953, cela avec le film de guerre Senkan Yamato / 戦艦大和 de Abe Yutaka, ainsi qu'entre les deux parutions de ce nouveau Yamato, en janvier 1963, avec le film de batailles navales et aériennes Taiheiyo no tsubasa / 太平洋の翼 réalisé par Matsubayashi Shûei, avec les acteurs ''kurosawaiens'' Mifune Toshirô, Shimura Takashi et Fujita Susumu. Quant à Dan Tetsuya qui illustra la version manga de Shin Senkan Yamato, on remarque qu'il a lui-même dessiné à cette époque, autour de la sortie du film au cinéma, un manga adaptant Kaitei Gunkan. On notera également que l'univers du manga produisait alors de plus en plus de récits d'aventures sur de jeunes héros dans le contexte de la Guerre du Pacifique lors de la Seconde Guerre mondiale, comme en 1962 avec un pilote de zéro dans Ôzora no Chikai de Kuri Ippei qui, avec ses frères, allait très bientôt créé le studio Tatsunoko, mais aussi Matsumoto Leiji en cette même année avec son Zero Pilot, ou encore en 1963, toujours dans le monde de l'aviation et précédemment cité 0-sen Tarô de Tsuji Naoki.

Imaginer le cuirassé Yamato reprenant vie (comme dans Cyborg 009) et s'envolant (comme le Gotengo ou le Mighty Jack en 1968), mais cela pour un voyage dans l'espace, Nishizaki Yoshinobu et Matsumoto Leiji pouvaient sans nul doute l'imaginer sans aucune aide. D'ailleurs, Matsumoto (toujours en mode Akira) avait en quelque sorte lancé dès 1961, la même année donc que Kajiwara Ikki pour son cuirassé volant, le nom du cuirassé Yamato dans les cieux. En effet, dans son manga Denkô Ozuma / 電光オズマ / 電光 Ozma (Ozuma la foudre), il a nommé une fusée du nom de ce navire (qui était emprunté nous le rappelons à celui du Japon du 3ème au 7ème siècle), la référence étant de plus soulignée dans son récit avec une évocation illustrée du véritable cuirassé Yamato, projetant ainsi indubitablement ce ''symbole'' de la Guerre du Pacifique au sein des étoiles, ou tout au moins dans la direction des corps célestes. Dans le segment de cette histoire, il était même question de météorites mettant en danger la Terre... et son jeune héros se prénommait déjà Susumu (prénom de l'un des petits frères de Matsumoto Leiji qu'il utilisera encore pour bien d'autres personnages de même nature et caractéristiques comme justement Susumu Kodai dans Uchû Senkan Yamato). A propos de prénom, sans lien apparent si ce n'est ceux de respects qui liaient les deux artistes (quelques années auparavant Matsumoto l'assista pendant quelques jours), l'année du lancement de Denkô Ozuma, Tezuka Osamu dessina les aventures de Ozuma Taisho / オズマ隊長 (Le Capitaine Ozuma)...

Denkô Ozma de Matsumoto Leiji en 1961 Denkô Ozma de Matsumoto Leiji en 1961

A ces quelques apparitions du Yamato dans les années 60, on peut ajouter d'autres références, telle en 1967 le manga Blue Submarine n°6 de Ozawa Satoru (précédemment cité pour son Submarine 707) qui évoquait le cuirassé en ses pages, et celles du Shônen Sunday où il paru, le Yamato y apparaissant dans les profondeurs en tant que Yamato Wandâ / ヤマト・ワンダー (Yamato Wonder) : s'il y conservait sa forme générale, sa fonctionnalité était celle d'un submersible. Ozawa aurait eu quelques années plus tard un projet vaguement similaire à celui de Uchû Senkan Yamato auquel il ne donna pas suite et dont l'idée fut peut-être connue de Nishizaki... Mais en 1972, Ozawa Satoru fit tout de même voler un navire sous la forme d'un voilier dans un manga intitulé Hikôsen sabumakku / 飛行潜サブマック, l'embarcation portant le nom de Ryûjin Maru, empruntant celui-ci au dieu de la mer dans la mythologie japonaise (divers bâtiments de la marine japonaise ont également porté ce nom). L'histoire reprenait quelque peu des éléments narratifs déjà bien rodés avec, comme pour les deux aventures sous-marines précédentes, une lutte contre une organisation criminelle. Si le style des perspectives, voire des formes, sur les bâtiments exposés sur les planches chez Ozawa du 707 au n°6 se retrouve chez Matsumoto, cela ne se traduit pas automatiquement par l'influence du premier sur le second, même si cela peut être le cas pour divers détails (le Yamato de Dan Tetsuya usant déjà également de perspectives proches), mais plutôt par des micros influences qui s'exerçaient entre les divers artistes depuis alors les deux décennies de productions dans le domaine de l'illustration et du manga – voire des influences externes –, et dont il serait délicat d'être affirmatif sur certains points, ce qui équivaudrait à prétendre connaître toute la production d'alors qui commençait à devenir colossale.

Hikôsen sabumakku 1972 Ozawa Satoru Blue Submarine n°6 en 1967
Blue Submarine n°6 en 1967 Blue Submarine n°6 en 1967

Parmi encore quelque émergence, il y eut également le 25 février 1968, tel resurgissant du passé pour à nouveau faire acte de guerre comme dans Cyborg 009 quelques 5 mois plus tard, le 21ème épisode de la série télévisée de tokusatsu Ultra Seven : « Kaitei kichi o oe » / 海底基地を追え, ou encore parmi d'autres vaisseaux des mers pouvant s'élever dans les airs, le vaisseaux fantôme du film d'animation Sora tobu yûreisen réalisé en 1969 par Ikeda Hiroshi, d'après un manga d'Ishinomori ''009'' Shôtarô datant de 1965, le film d'animation ayant semble-t-il quelque peu inspiré Ozawa Satoru pour son Hikôsen sabumakku. Ces manifestations du Yamato et autres navires des airs ont peut-être eu, aussi infimes soient-elle pour certaines ou inévitables pour d'autres, quelque influence sur l'imagination des créateurs de la saga du Yamato de l'espace, tout comme Kaitei okoku de Komatsuzaki ou le film Kaitei Gunkan ont pu quelque peu inspiré Matsumoto Leiji pour son Submarine Super 99 en 1964, bien qu'à l'époque les civilisations sous-marines étaient alors assez présentes dans ce genre de productions....
Il est toutefois clair avec Denkô Ozuma que Matsumoto avait déjà inconsciemment ou plus ou moins à l'esprit ce lien entre le Yamato et l'espace, même s'il n'a pas alors concrétisé pleinement cette idée. Ainsi, toutes ces apparitions fictionnelles soulignent que le cuirassé de l'espace né en 1974 n'est pas sorti de terre aussi abruptement que lors de son premier envol vers Iscandar, et que déjà précédent cette renaissance d'entre les entrailles de la Terre, des signes de sa suprême et fantastique résurgence étaient perceptibles.


Shin Senkan Takachiho

Parmi encore les oeuvres génératrices de quelques influences ultérieures, il en est une qui semble être à la source de toutes les autres, du moins peut-elle être perçue de la sorte avec Kaitei Gunkan. Il s'agit du roman Shin Senkan Takachiho / 新戦艦高千穂 (Le Nouveau cuirassé Takachiho) écrit par Hirata Shinsaku / 平田晋策 (1904-1936, décédé prématurément dans un accident de la circulation). Il fut édité dans le magazine pour la jeunesse Shônen Kurabu (Le Club des garçons) de Kôdansha, de mars à juillet 1935. En effet, dans cette aventure maritime se déroulant dans les eaux arctiques en un récit totalement patriotique et militaire, voire militariste comme de nombreux autres en cette période dont certains de Unnô Jûzô, ou encore les aventures du célèbre personnage Norakuro (les États-Unis et l'URSS sont clairement identifiés comme l'ennemi), le navire au centre de l'oeuvre – empruntant au cuirassé Dunkerque quelques caractéristiques ainsi que sa catapulte – est de même présence que dans la série d'animation Uchû Senkan Yamato, tel un protagoniste à qui on attribue, comme pour le cuirassé de l'espace, une certaine humanisation dans les sentiments qu'on lui prête. Parmi alors les jeunes lecteurs de ce roman, il y eut Okumura Shigenobu (1922-2008), 9ème Dan d'Aïkido. Il fut particulièrement marqué par la technique de combat du jeune héros prénommé Hiroshi, celui-ci usant d'un art nommé Ueshiba-ryu, d'après le nom donné en 1925 au Budo que façonnait le grand maître Ueshiba Moruhei. Okumura, encore adolescent et alors qu'il était élève au dôjô Ueshiba, eut justement pour supérieur Hirata Shinsaku qui y étudiait l'Aïkido (propos recueillis par Alex Fisher lors d'un entretien avec Okumura sensei en 1990 pour l'Instituto Takemessu). Parmi les autres personnages importants de ce roman, dont l'un des objectifs est la conquête de l'Arctique, une jeune femme était présente en tant que pilote, telle une Yuki Mori d'avant l'heure. Cela inscrit encore ce roman d'aventure dans le réalisme de son époque, plusieurs jeunes femmes japonaises ayant obtenu à partir de la décennie précédente leur brevet de pilote comme Hyôdô Tadashi (1899-1980), la toute première en 1922, puis Ninamiji Yone (1890-1980), Imai Komatsu (1899-1984), Kibe Shigeno (1903-1980), Matsumoto Kiku (1912-1979), ou encore la journaliste Kitamura Kaneko (1903-1931), ainsi que l'une de ses amies, la coréenne Park Kyung-won (1901-1933).

Le Takachiho de Hirata Shinsaku  illustré par Murakami Matsujiro

Encore entre autres références historiques en ce roman, le jeune héros retrouve le corps congelé de son grand-père dans les restes du croiseur japonais Unebi, navire de construction française qui avait réellement disparu sans laisser la moindre trace en décembre 1886 en mer de Chine. Certes le lieu où est retrouvé le navire dans le roman est bien loin de la zone géographique ou il coula réellement, mais dans le cadre de l'imaginaire tout est relativement possible. De fait, Hirata imagina que la disparition de ce croiseur près d'un demi-siècle plus tôt était une ruse du gouvernement japonais pour l'envoyer effectuer une mission secrète dans les eaux arctiques où il disparaîtra finalement. Les illustrations à la fois réalistes et idéalisées de Murakami Matsujiro / 村上松次, particulièrement productif dans les reproductions de navires et autres engins de guerre, apportait au récit qu'elles accompagnaient cet élan de ferveur à la nation japonaise dirigée alors par les militaires.
On notera également que Takachiho (patronyme relativement courant au Japon désignant également le Mont éponyme et la petite ville qui le côtoie sur l'île de Kyûshû) fut réellement le nom de quelques bateaux, notamment d'un croiseur qui servit dans la Marine impériale japonaise : celui-ci fut coulé par la Marine impériale allemande dans les eaux chinoises, le 17 octobre 1914, lors de la bataille de Tsingtao. Mais si une autre référence était faite à un véritable bâtiment, l'écrivain ayant eu probablement connaissance de sa construction en 1935, voire avant, c'était peut-être également envers le futur cuirassé Takachiho qui sera mis en service en 1939.
Enfin, si cette oeuvre paraît éloignée dans le temps par rapport à la création du Yamato spatial, on soulignera toutefois qu'elle fut justement rééditée en 1965 et 1970, comme encore Kaitei Gunkan en 1952 et 1974.

Les différentes manifestations du Yamato depuis le début des années 60 – quoique de l'ordre du divertissement – pourraient correspondre en quelques interprétations à un désir de réutiliser des aspects d'un passé japonais encore récent, plus ou moins mis en sommeil durant l'occupation américaine, et représentant certes une certaine fierté, mais peut-être aussi un sentiment plus critique ou tout au moins réflexif à l'égard de la nation nippone d'alors, et pour celle à venir...


Jacques Romero, août 2012


Complément pour l'article « Shin Senkan Yamato, Denkô Ozuma, et quelques autres signes "annonciateurs" du cuirassé de l'espace ».

Soratobu Senkan

En 1966, alors que dans l'imagination des créateurs d'univers fantastiques et de science-fiction japonais apparaient quelques premières manifestations aériennes de navires de guerre, la Tôhô a en projet la mise en oeuvre d'un long métrage en prise de vue réelle intitulé « Le Cuirassé Volant » / « The Flying Battleship » / « Soratobu Senkan » / 空飛ぶ戦艦 (c'est aussi le titre en japonais du roman vernien Robur-le-conquérant).

Si ce film ne vit jamais le jour, un scénario avait toutefois été finalisé sous la plume de Sekizawa Shinichi (1921-1992). Des dessins préparatoires auraient également été signés par les artistes Komatsuzaki Shigeru (1915-2001) et Narita ''Ultra'' Toru (1929-2002) – deux géants en leur domaine – pour donner une première forme à l'univers de ce projet qui devait être mené par Tsuburaya Eiji (1901-1970) à la production et Honda Ishirô (1911-1993) quant à la réalisation. De par la présence de ces illustres personnalités, ce métrage devait être plus ou moins un prolongement du film Atragon / Kaitei Gunkan (1963), ou tout au moins il devait présenter un univers relativement proche de ce dernier. Il est probable que quelques éléments ou idées issus de ce projet abandonné – semble-t-il peu après son lancement – ont été utilisés sur quelques autres productions estampillées Tsuburaya qui ont suivi telle, en 1968, la série Mighty Jack présentant le sous-marin volant Mighty-Gô.

L'Histoire du cinéma est riche d'ouvrage n'ayant pas dépassé le stade de l'ébauche et ce pour de multiples raisons. Dans le cas de cette création, cela pourrait provenir d'un problème de coproduction, tout du moins si cette dernière était prévue, trois films fantastiques produits par Tôhô – Frankenstein vs. Baragon, Invasion Planète X, La Guerre des monstres – et réalisés par Honda Ishirô ayant alors été coproduits précédemment en 1965-1966 avec le célèbre studio d'animation UPA (Mister Magoo) et son producteur Henry G. Saperstein (1918-1998).

En ce « Soratobu Senkan », le navire des airs aurait pris son envol sous le nom de Super Noah / スーパーノア (probablement une référence volontaire à l'arche de Noé). On retrouve l'utilisation du même prénom biblique avec la série Uchû Kubo Blue Noah (1979-80, 27 épisodes) de Nishizaki Yoshinobu (1934-2010) – cocréateur de la saga Yamato qui a beaucoup puisé en celle-ci pour cette série – où le Blue Noah est à la fois un sous-marin et un navire pouvant s'extraire d'un océan pour rejoindre celui bien plus vaste de l'espace, la légende de l'arche se retrouvant encore dans des oeuvres comme Nadia et le secret de l'eau bleue avec la Noah blanche, la Noah pourpre et la Noah bleue ainsi que le vaisseau sous-marin Nautilus pouvant lui aussi s'élever dans les airs.

A propos de l'arche de Noé, on notera que Komatsuzaki Shigeru a signé peu après ce projet, en 1968, une magnifique illustration représentant une énorme fusée coucher sur une rampe de lancement, l'engin accueillant à son bord une multitude d'espèces animales. On pouvait lire le nom du vaisseau sur son flanc « Ark of Space », l'ensemble évoquant sensiblement la vision du film Le Choc des mondes (1951) de Rudolph Maté (1898-1964). Cette oeuvre de Komatsuzaki s'inspirait directement de l'illustration « Futuristic Noah's Ark » produite par Howard V. Brown (1878-1945) en novembre 1939 pour la couverture du magazine Startling Stories avec le même nom gravé sur la coque du vaisseau (ce grand illustrateur étatsunien de l'âge d'or des pulps signa de même moult travaux pour de nombreux autres magazines tels pour le même genre Thrilling Wonder Stories et le célèbre Astounding Stories).

Jacques Romero, septembre 2015

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